Essai sur un style dans l'histoire
L’œuvre d’Ovide, contemporaine de la mise en place d’un Empire romain monarchique et universel et de la naissance du christianisme, fascine aujourd’hui. Elle se situe à la croisée de l’élégie, un genre apparu à Rome au tournant des guerres civiles et disparu pour longtemps avec l’auteur, et de l’épopée, naguère illustrée par Lucrèce et Virgile.
Cette étude interroge ces choix génériques en les mettant en perspective vis-à-vis d’une unité du genre élégiaque et d’une unité du genre épique argumentées. Elle montre comment la floraison de l’élégie coïncide avec la faille politique des guerres civiles et comment l’élégie d’Ovide aussi bien que ses Métamorphoses, en stylisant les érôtika pathémata d’un sujet dépendant d’une domina, « maîtresse », et/ou d’un maître découvrent un nouveau rapport à l’éros et au pouvoir. Marquée par une rationalisation et une laïcisation sensibles dans l’interprétation psychique des mythes, témoignant d’une liberté de vision aussi originale qu’éphémère, l’œuvre du poète inaugure le sentiment de culpabilité qui spécifiera le sujet moderne. Dans une conscience aiguë du pouvoir du signifiant héritée des stoïciens, elle célèbre et décrypte en même temps la saisie dans la langue latine de l’univers conquis par Rome, et ses limites.
En mettant en relation des formes littéraires, les genres élégiaque et épique appréhendés dans les signifiants et le style qui les caractérisent, avec le moment historique de leur pratique, ce livre réinterprète la dualité d’une œuvre-phare de la littérature occidentale où la psyché moderne affleure avec la romanisation du monde.